JAMAÏQUE, PÉPITE CARIBÉENNE

Publication : décembre 2020
Média : magazine Saveurs
Illustration : Maëva Terroy
Photos : Valérie Lhomme

Si l’on écoute sa musique dans le monde entier, on connaît peu
cette île aux  paysages idylliques et à la nature foisonnante
où la cuisine populaire, même  sous influence américaine,
parvient à conserver ses saveurs aux accents exotiques.

Pour  visiter  la  Jamaïque, mieux  vaut  se  caler  sur  le  tempo  adéquate.  Celui  d’une mélodie  reggae old school, si possible. Lent, chaloupé et peace. Car au beau milieu des Caraïbes, rien  ne  presse.  Soyez-en  informés,  le  voyage  n’en  sera  que  meilleur…  La  terre de  Bob  Marley  possède une vibe à part. Les Jamaïcains chantent et dansent partout. Dans l’avion, dans la rue,  sirotant leur Red Stripe, bière blonde locale, ou lui préférant la ganja. Ils vivent la musique  comme si elle faisait partie d’eux. Face aux sound-system, ils font le show. Et c’est un spectacle  des plus captivants. 

Un  peu  plus  grande  que  la  Corse,  la  Jamaïque  est  une  île  plurielle  où  chaque  côte  à  son  caractère. C’est la seule île caribéenne – avec les îles Caïmens – à être entièrement entourée  par la mer des Caraïbes. Protégée par l’Amérique centrale d’un côté et par Cuba, la République  Dominicaine,  Haïti  et  Porto  Rico  de  l’autre,  elle  est  largement  épargnée  par  les  ouragans.  D’abord  espagnole  puis  anglaise,  elle  obtint  son  indépendance  en  1962,  dans  le  cadre  du  Commonwealth. 

Généreuse cuisine de rue
Aux quatre coin de l’île sur ses routes abîmées, la végétation dense s’impose, ponctuée de  petites  maisonnettes  colorées.  D’immenses  manguiers,  bananiers,  bambous  et  autres  avocatiers s’étendent sans limites au milieu des lianes et des fougères en pagaille. Il semblerait  que tout pousse sur ces terres. Ici, les pépites culinaires mijotent dans la rue, sur la plage ou  dans les allées d’un marché, dans des stands de bric et de broc où on n’oserait peut-être pas  s’arrêter en temps normal. Parmi elles ? Le porridge de cacahuètes fraîches lié au lait de coco,  la soupe de maïs au poulet, le snapper (un poisson local) et la langouste grillée ou encore les  guizzada, tartelettes à la chair de coco râpée préparée avec du sucre brun, de la cannelle, de  la noix de muscade et de l’eau de coco. Sur notre trajet, nous faisons la rencontre des pudding  men, une communauté rastafari experte dans la confection de gâteaux de patate douce ou de  maïs cuisinés au barbecue avec du lait de coco.  Piétons et automobiliste  s’y arrêtent pour  acheter une part dense et parfumée, interpelés par le nuage de fumée moite qui s’échappe  des barbecues disposés en rang d’oignon sur le trottoir. Même scénario près de la Black River  avec  les  pêcheuses  d’écrevisses  cette  fois-ci.  Installées  sur  le  bas-côté  de  la  route,  elles  cuisinent le crustacé dans un court-bouillon très, très poivré. Si la chair est gouteuse, attention  à la carapace, au goût un peu trop relevé !  

Influences culinaires à deux visages
Face à cette gastronomie rurale et populaire s’impose une autre facette, tout droit importée  des États-Unis. La fast food à l’américaine est très présente en Jamaïque. Les patties, sortes  de chaussons frits, fourrés d’une farce à base de viande ou de crevettes légèrement pimentée,  font office d’en-cas traditionnels pour le déjeuner. On en trouve à tous les coins de rue, pour  une  bouchée  de  pain.  Les  trois  grandes  spécialités  locales,  quant  à  elles,  résument  bien  l’identité de la cuisine jamaïcaine. D’abord, le ackee and saltfish. Ce plat qu’on trouve partout  associe morue séchée  façon boucané et ackee, un drôle de  fruit au goût subtil, produit en  abondance sur l’île. Sa chair jaune pâle possède une texture proche de l’œuf brouillé. Ensuite,  le  poulet  frit.  Il  est  à  la  Jamaïque  ce  que  le  couscous  est  au  Maghreb.  Même  les  grands  restaurants en proposent à leur carte. « C’est une tradition, c’est le plat du dimanche », nous  explique le chef d’un hôtel huppé. Enfin, le jerk, un mélange d’épices chaudes et de piment  utilisé pour aromatiser la viande ou le poisson. Une fois marinés, les aliments sont cuits au  barbecue, à l’étouffée, entre deux planches de bois. Malheureusement, cette recette souffre  de  préparation  de  qualité variable. Mais lorsque le jerk est  réalisé  dans les  règles  de l’art,  comme à Boston Bay, où il serait né, c’est un véritable délice, à la fois moelleux, fumé et épicé.  

Des rastas précurseurs
Découvrir la Jamaïque, c’est aussi s’initier au véganisme. Depuis la naissance du mouvement  rastafari  dans  les  années  1930,  les  gargotes  végétaliennes  se  sont  multipliées,  par  pure  conviction spirituelles. Le rastafari, religion à part entière fondée sur la Bible anglicane et sur  des  textes  religieux éthiopiens, est un mouvement  symbolique né pour marquer la  fin des  souffrances du peuple noir et son retour à ses racines africaines. Les adeptes croient en Jah (Dieu, dans la foi rastafari) et vivent dans des communautés isolées et autonomes, en quête  d’un  « état  de  nature »  aux  antipodes  de  la  société mondialisée.  Ils  ne  se  coupent  ni  les  cheveux, ni la barbe. D’où ces dread ou ces locks parfois longues de plus d’un mètre ! Soucieux  de leur santé, les (vrais) rastas ne boivent pas d’alcool et suivent un régime spécifique qu’ils  nomment ital (vital, en patois jamaïcain), essentiellement composé de riz, de fruits, de racines,  de graines et de légumes présents sur l’île. « On ne veut pas de nourriture industrielle dans  notre  corps. On  veut juste manger  ce  qu’il  y a  de meilleur  pour  notre  santé ».  Les  rastas,  précurseurs de la healthy food. Qui l’eût cru ?

Adresses « coup de cœur »

Strawberry hill hôtel
À une petite heure de route de Kingston, en pleine nature, cet hôtel dispose de 13 cottages d’architecture coloniale avec varangue à tous les étages, offrant une vue imprenable sur les montagnes et les hauteurs de la capitale. Spacieux et confortables, les cottages sont décorés avec goût, notamment par des créations artistiques réalisées par les communautés alentours.
À partir de 260€ la nuit, petit-déjeuner compris

Jakes boutique hôtel
La volonté première du créateur de ce charmant hôtel était d’en faire un lieu à part, aux antipodes des resort impersonnels. Résultat, Jakes Boutique est un établissement intime conjuguant à merveille esprit roots et décor chic. Cerise sur le gâteau ? La mer, littéralement  au pied des chambres. L’hôtel, respectueux de l’environnement, est alimenté en énergie via des panneaux solaires et travaille avec des producteurs et artisans locaux, que ce soit pour la cuisine ou pour la décoration. Les cocktails sont délicieux, la cuisine simple et efficace et les nuits sont bercées par le clapotis de l’eau. En extra, l’établissement propose des escapades gourmandes dignes d’un conte de fée sur la plage, dans des paillottes isolées, à quelques minutes de bateau de l’hôtel. Un(e) chef(fe) cuisine juste pour vous, dans un environnement magique. Un coup de cœur.
Hôtel, à partir de 170€ la nuit.
Escapade : 115€/personne tout inclus (repas, boissons, transport en bâteau).   

Rockhouse hôtel et restaurant
À l’Ouest de Negril, loin du tumulte de la nuit jamaïcaine, l’hôtel s’étend sur les falaises, offrant une vue incroyable sur la côte sauvage. Les chambres sont simples mais confortables. Quant au restaurant, installé dans une crique aux eaux turquoise, il mixe cuisine moderne et classiques jamaïcains. Attention, portions généreuses !
Hôtel, à partir de 160€ la nuit. Restaurant, midi entre 9€ et 16€. Soir, entre 13€ et 30 €. 

Lover’s Leap
La légende raconte qu’un couple d’esclaves, promis à  un avenir séparé, aurait décider de sceller son amour en sautant par-dessus la falaise d’où se dresse désormais Lover’s leap, un bar restaurant isolé sur les hauteurs de Treasure Beach. La vue à 180°C sur les Caraïbes y est époustouflante. Cuisine sans intérêt mais adresse incontournable pour boire un verre face à  ce décor magique.  

Floyd’s pelican bar
Sorte d’oasis perdue au milieu d’une eau cristalline, cette paillotte, que l’on rejoint par bateau via Treasure Beach, est l’adresse parfaite pour faire du snorkelling ou pour boire une ginger beer en jouant au domino !

Boston jerk
Cette petite ville de la côte Est est sans aucun doute le meilleur endroit de l’île pour goûter au fameux « jerk ». Plusieurs stands et restaurants le proposent à base de porc, de poulet, de poisson ou de langouste. Le prix n’inclus en général pas de garniture, qui se commande en supplément.

Vita at Reggae Hostel
Jeune chef végane en vogue dans le pays et adepte du cru, Vita officie sur le rooftop de l’auberge Reggae Hostel à Ochos Rios, tout près de la plage. La carte est courte et change tous les jours et sa cuisine, créative et colorée, mêle savoureusement fruits tropicaux et légumes locaux.
Plat, environ 6€.  

Miss Lily’s restaurant
Ouvert il y a à peine deux ans, Miss Lily’s restaurant, attenant à l’hôtel Skylark, propose une cuisine jamaïcaine revisitée servie les pieds dans le sable. Au petit-déjeuner : gaufres maison au poulet frit mais pas trop gras, banana bread moelleux et jus de fruits exotiques frais à tomber.
Midi, plats à partir de 8€. Soir, à partir de 13€.  

Sun Valley plantation
Avant d’aller faire un tour au marché, découvrez les produits locaux avec Josiane, à la tête de cet immense potager. Goyaves, fruits de la passion, coco, café, muscade ou encore noix de cajou… La visite est ponctuée de dégustations des fruits directement cueillis sur l’arbre et se termine par une petite assiette garnie de ackee et de bread fruit frit cuisinés.
Visite guidée tout compris, 16€/pers.  

Appleton Estate tour
Entourée de champs de canne à sucre, Appleton Estate est LA marque de rhum locale emblématique. Et bonne nouvelle, elle ouvre ses portes au public. Au programme : historique de l’entreprise, découverte du processus de fabrication du rhum puis dégustation de trois références iconiques.
Visite : 27€/ pers. Sur réservation.  

Zimbali culinary retreat
Installé au milieu de la jungle, Zimbali retreat propose un menu dégustation en cinq services réalisés avec les fruits et légumes cultivés par son jardinier passionné. À leur arrivée, les clients sont invités à visiter le potager avant de s’installer au comptoir, où les attend un savoureux repas  exécuté  sous  leurs  yeux.  L’établissement  possède  aussi  quelques  chambres  très  basiques.
Menu midi, 54€/ pers. Menu soir, 66€/ pers.  

Jamaïca Inn
Deuxième établissement hôtelier à avoir ouvert ses portes sur l’île en 1958, le Jamaïca Inn est une véritable institution, très populaire dans les soixante auprès de la sphère hollywoodienne. Aujourd’hui encore, sa superbe architecture de style coloniale et ses chambres, donnant sur une large plage privée, séduisent une clientèle venue des quatre coins du monde. Petit déjeuner copieux et excellents diners aux chandelles. Tous les vendredis, le chef emmènent  les clients curieux au marché d’Ocho Rios pour sa session de courses hebdomadaire.
À partir de 300€ la nuit. Restaurant, plats à partir de 18€.  

Infos pratiques
www.visitjamaica.com
Vols avec escale au départ de la France, à partir de 600€ A/R.

Si l’on écoute sa musique dans le monde entier, on connaît peu cette île aux paysages idylliques et à la nature foisonnante où la cuisine populaire, même sous influence américaine, parvient à conserver ses particularités.