DÍA DE LOS MUERTOS, UNE TRADITION ANCIENNE
Publication : novembre 2023
Média : Le Figaro
Illustraton : V. Kurakina
Inscrite il y a tout juste 20 ans au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, la version mexicaine de la fête des morts concentre un héritage de croyances et de rituels en l’honneur des personnes décédées, transmis depuis des millénaires.
Día de los muertos : origines d’une tradition ancestrale
L’origine de la fête des morts remonte bien avant la création de la Toussaint par le Christianisme. Déjà les grandes civilisations préhispaniques vouaient un véritable culte à la mort. Les nombreuses fouilles réalisées sur les sites archéologiques ont montré qu’honorer les défunts, penser l’existence de l’au-delà et imaginer le voyage qui les y menait étaient au cœur de leurs préoccupations. Selon leurs croyances, les dieux et les déesses permettaient aux morts de rendre visite à leurs proches une fois par an. Les défunts étaient alors considérés comme les intermédiaires entre les vivants et le monde divin. Commémorer leur mort était à la fois une manière de leur rendre hommage et de raviver leur souvenir mais aussi de demander aux morts de leur préparer le chemin pour une transition pacifique.
Honorer les morts par la fête
En près de 3000 ans, la célébration de la fête des morts a connu de nombreuses transformations mais le Mexique a tout de même conservé quelque chose de précieux, quelque chose qui a résisté à la conversion des peuples autochtones au Catholicisme : la cérémonie est restée joyeuse et demeure l’occasion d’honorer le commencement de quelque chose de nouveau par la fête, plutôt qu’un moment marquant une fin à pleurer. C’est la raison pour laquelle les mexicains envahissent les rues dès la fin octobre pour quelques jours dignes d’un carnaval. Les proches se rassemblent dans les cimetières du pays, portant des bougies, de la nourriture et des boissons, et passent souvent la nuit en famille à côté des tombes de leurs proches. En ville, des défilés en fanfare sont organisés, rejoints par des habitants déguisés en Catrina, squelette emblématique de la culture populaire mexicaine, habillé d’un costume chic. Pour l’occasion, tous les boulangers sans exception produisent le pain des morts, une sorte de brioche à la fleur d’oranger saupoudrée de sucre et de graines d’amarante. Les maisons et les églises érigent des autels souvent majestueux, chargés de pain, de fruits, de fleurs, de bougies, de spécialités culinaires régionales et de photographies de saints et de défunts. La fête commence généralement le 30 octobre et se termine au matin du 3 novembre. Officiellement, la tradition honore les jeunes âmes parties trop tôt le 1er novembre et les adultes décédés, le 2 novembre.
Célébration traditionnelle de Zapotlán, à Mexico
D’une région à l’autre du pays, les rites mystiques varient et les aspects culturels et culinaires de la célébration priment parfois même sur le sens spirituel de la fête. Ce sont bien souvent les petites et moyennes villes où vivent de grandes communautés indigènes qui continuent de célébrer Día de los Muertos par des cérémonies traditionnelles sacrées, comme à Zapotlán El Grande (Jalisco). Le soir du 1er novembre, les habitants se rassemblent au Testerazo, un lieu symbolique pour les cultures indigènes locale. Vêtus de leurs vêtements traditionnels, les indigènes dissipent les mauvais esprits avec des herbes et, après quelques prières, ils répandent de l’encens et allument des bougies pour permettre aux âmes des morts de venir se joindre à eux. De là, ils entament une procession jusqu’au cimetière Miguel Hidalgo, suivis des fonctionnaires de la ville et des habitants les rejoignant sur le parcours avec des bougies, des lampes de poche et des torches. Une première cérémonie a lieu au cimetière vers 22h, dans l’obscurité scintillante. Des cantiques sont chantés A capella avec une densité puissante. Les indigènes se rassemblent ensuite autour d’un « cercle de vie » conçu par leur soin avec des « cempasúchil », des fleurs orange que l’on voit partout pendant ces jours de fête. Le cercle de vie représente quatre demi-cercles symbolisant les saisons de l’année et le flux de la vie. Un homme entre pieds nus dans ce parterre fleuri. Il allume des bougies, récite quelques prières, fait des bénédictions et laisse tomber du copal dans un encensoir. Lorsque la fumée monte vers le monde surnaturel, les indigènes invitent les âmes des morts à sortir de leurs tombes. La solennité de leurs chants rappelle une vieille tradition indienne, celle de l’époque où ils montaient sur les toits de leurs maisons et criaient à haute voix à leurs proches décédés : « Venez vite car nous vous attendons ».
Inscrite il y a tout juste 20 ans au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, la version mexicaine de la fête des morts concentre un héritage de croyances et de rituels en l’honneur des personnes décédées, transmis depuis des millénaires.