LE MOLE, L’AUTRE PLAT NATIONAL MEXICAIN

Publication : novembre 2022
Média : Le Figaro
Photos : Maëva Terroy

Tout le pays en parle avec des étoiles plein les yeux. Chaque région l’adapte à sa manière. Mais parmi les nombreuses variantes proposées au Mexique, le mole negro à base de chocolat est de loin le plus populaire. Découverte d’un plat aux saveurs inhabituelles.

Il n’y a pas que des tacos dans l’estomac des Mexicains. Spécialité culinaire aussi complexe qu’étonnante, le mole est la fierté nationale. Si bien qu’un pan entier de la culture locale viendrait à manquer à quiconque visiterait le pays sans le déguster. Prononcé « mo-lé », il désigne un plat à base de cuisses ou de blancs de poulet nappés d’une sauce homonyme épaisse, sucrée et pimentée préparée avec plus d’une centaine d’ingrédients (épices, raisins secs, pain, tortillas, feuilles d’avocat…) traditionnellement mélangés à du chocolat. Réunir poulet, piments, épices et chocolat dans un même plat ? La combinaison déroute bien souvent les palais occidentaux mais au pays des taux de diabète record, manger un mole, c’est le nec plus ultra.

Le piment et le chocolat : deux ingrédients vénérés des mexicains
Le mole est l’un des plats les plus importants de la gastronomie mexicaine. Sa recette remonte à l’époque préhispanique : la sauce au cacao était alors une délicatesse des Dieux, recherchée et appréciée pour son effet stimulant. L’origine de son nom vient d’ailleurs de « mulli », qui signifie « sauce » en nahuatl, langue parlée par les Aztèques. Plat des grandes occasions et des jours de fêtes, servi en quantités astronomiques pour régaler les tablées familiales lors des mariages, de la fête des morts ou pour célébrer les naissances, mijotant des heures dans d’immenses marmites en céramiques, le mole se déguste aussi au quotidien, avalé sur le pouce dans des stands ambulants installés au coin des rues ou dans les allées d’un marché.   

Des déclinaison infinies
Quand on aime, on ne compte pas. D’ailleurs les Mexicains ne seraient pas contre un bon mole tous les jours. Et c’est sans doute pour des questions de diversité que la recette s’est à ce point déclinée. Avec le temps, la sauce au chocolat du mole traditionnel est venue recouvrir des tamales, ces pains de maïs cuits à la vapeur dans des feuilles de bananiers ; des emmoladas, tortillas farcies de poulet façon ficelle picarde, mais aussi du poisson et des omelettes. Aujourd’hui, même la sauce connaît une multitude de déclinaisons, chaque région se disputant le titre de la meilleure variante comme s’il s’agissait d’un concours national ! Dans cette course folle, les états de Puebla et de Oaxaca ont gagné une notoriété inégalable, le premier avec sa version particulièrement intense en chocolat, le second proclamé « terre des sept mole » en référence aux sept déclinaisons qui font sa renommée : mole negro, rojo, amarillo, verde, coloradito, estofado y chichilo. Si la base du mole est toujours la même – une bonne dose de piments brûlés, symbole du terroir mexicain, mélangés à une foule d’épices, héritage colonial apporté par les conquistadores – le reste des ingrédients varie d’une sauceà l’autre. Le chocolat disparaît alors au profit de raisins secs dans le mole rojo ; d’herbes aromatiques locales dans le mole verde et de… fourmis, dans le mole chicatana, une spécialité rare et convoitée du village de Pahuatlán, situé au centre du pays.

Un véritable savoir-faire
Même si certains ingrédients changent, la préparation d’un mole commence toujours de la même manière : les jeffas mexicanas – les mères de famille – toastent les épices et le piment puis broient l’ensemble au metate, la version mexicaine du pilon créole. Elles obtiennent alors une pâte qu’elles moulinent dans une machine rustique servant à fabriquer les tortillas avant de la faire dorer dans une grosse marmite en céramique pendant 1 à 2 heures avec un peu de matière grasse. Plus c’est long, plus la pâte se conserve dans le temps et concentre ses arômes. Elles ajoutent ensuite le reste des ingrédients, puis elles arrosent le tout d’un bouillon maison et d’une purée de tomates fraîches afin de diluer la pâte de mole et d’obtenir la consistance d’une sauce épaisse. Il ne reste plus qu’à noyer la viande ou le poisson dans cette sauce hors norme dont il ne restera sans doute plus une trace à la fin du repas !

Tout le pays en parle avec des étoiles plein les yeux. Chaque région l’adapte à sa manière. Découverte d’un plat aux saveurs inhabituelles.