LE CAFÉ GUATEMALTÈQUE, UN GRAND CRU
Publication : mars 2023
Média : Saveurs magazine
Photos : Claire Payen
Illustration : Greaves
Au Guatemala, où les caféiers poussent à des niveaux
d’altitude variés, la boisson chaude ponctue le quotidien
des habitants. Plongée dans cette culture de renom.
Il y a environ 84 000 ans commençait un cycle d’éruptions volcaniques d’une telle ampleur qu’il redessina le Guatemala à tout jamais. Le pays est aujourd’hui ponctué de volcans et de lacs, comme le lac Atitlán, au nord du pays. Immense oasis de 130 km2, ce lac s’est formé après qu’une grande quantité de magma, accumulée sous la croûte terrestre, explosa violemment, laissant un immense trou béant qui s’est rempli d’eau avec le temps. Balayées par le vent sur une grande partie du territoire, les cendres, très concentrées en minéraux (fer, magnésium, calcium, phosphore, sélénium, potassium et sodium), agirent comme un engrais tombé du ciel, boostant la fertilité des sols et donnant aux plantes une vitalité exceptionnelle. C’est grâce à ce sol particulièrement riche que le café guatémaltèque, de renommée internationale, doit son excellente qualité.
Au coeur de la vie des habitants
Entouré de trois volcans actifs et de petits villages cachés dans un relief vallonné, le lac Atitlán est l’une des huit zones officielles du Guatemala où l’on cultive le café. Températures douces toute l’année et fraîches la nuit, exposition d’environ 70 % d’ensoleillement pour 30 % d’ombre apportée par le feuillage d’avocatiers, de pins et de quelques bananiers… Les conditions y sont propices à l’obtention d’un café aromatique à l’acidité marquée. Depuis une cinquantaine d’années, la production de café est devenue l’une des trois activités principales des abords du lac, après le tourisme et la fabrication artisanale de textiles par la communauté maya locale. Beaucoup de Guatémaltèques dépendent de la récolte de fin d’année pour subvenir à leurs besoins les mois suivants. Entre novembre et décembre, ils partent en famille récolter les cerises (les fruits du caféier) arrivées à maturité. Enfants, adultes, grands-parents…, tout le monde participe à cette activité cruciale. Pendant une semaine, les femmes se lèvent vers 3 h du matin pour préparer le pique-nique qu’ils mangeront ensemble, au milieu des champs de café. Au menu : œufs brouillés à la tomate garnis de petits poissons du lac, mangés avec des tortillas maison en guise de couverts. Bien souvent, les femmes chargent la préparation d’une bonne dose de piment. Une technique couramment utilisée dans les pays du tiers-monde pour répartir convenablement la nourriture entre chacun et éviter que les enfants ne mangent trop… Au septième jour, la coopérative vient récupérer les récoltes : chaque membre de la famille reçoit alors ses quetzals (monnaie guatémaltèque), même les plus jeunes. De retour à la maison, c’est le pichet en plastique remplit de deux litres de café, dilué et additionné de sucre de canne, qui fait le lien entre les membres de la famille. Le lait étant bien souvent trop cher, les locaux en remplissent même les biberons de leurs bébés (une habitude bien éloignée des nôtres, il est vrai…). Dans les petits villages indigènes, on pense que sa consommation précoce évite à la population de souffrir d’obésité comme chez leurs voisins mexicains.
De la cerise au café
La coopérative répartit les cerises de café fraîches chez les fabricants locaux. La première étape consiste à étaler le fruit tout juste récolté sur de grandes aires de séchage au soleil. Après 3 à 4 jours, le fruit a séché et a légèrement fermenté : il est prêt à être décortiqué puis rincé à l’eau claire. Chaque cerise contient deux grains de café frais, d’une couleur variant du blanc au vert clair. Humides comme des noisettes fraîches, les grains sèchent pendant 5 jours au soleil, jusqu’à atteindre 11 % d’humidité. Cette méthode dite «humide» est la plus utilisée dans la fabrication du café arabica. Vient enfin la torréfaction, étape finale qui va déterminer les qualités organoleptiques du café. Au contact de la chaleur, les grains se déshydratent et leur taux d’humidité réduit considérablement. Ils deviennent alors plus légers et gonflent, tandis que les sucres naturellement présents dans les grains se transforment et se volatilisent pour devenir des arômes. La durée et la température de la torréfaction varient en fonction de la variété de café produite, pour ainsi préserver les caractéristiques aromatiques de chaque café. Plus un café est torréfié, plus sa couleur sera foncée et son amertume prononcée. Un café peu torréfié ou blond aura quant à lui une couleur plus claire et sera plus acide. Le tout est donc de savoir équilibrer les arômes selon le rendu souhaité. Les grains torréfiés sont enfin conditionnés dans des grands sacs en toile de jute qui seront livrés aux quatre coins du monde…, prêts à diffuser chez nous leurs arômes d’exception.
Au Guatemala, la boisson chaude ponctue le quotidien des habitants. Plongée dans cette culture de renom.