PARIS, JE TE QUITTE !

Publication : novembre 2019
Média : newsletter Explore
Illustration : Sacha Terroy

« Il y a un temps pour tout », disait ma grand-mère
lorsque je décidais de  changer de sport, d’études ou de coupe de cheveux.
À cette époque, je  multipliais les allers-retours banlieue – gare du Nord
avec des paillettes plein  les yeux. Paris m’appelait. Ses restos, ses musées,
ses monuments, ses cafés,  ses bars, ses évènements en pagaille…
Tout ça allait me nourrir. Et il le fallait. 
Parce qu’au fin fond du 95, je me perdais.

Paris,
J’ai  pris  un  plaisir  fou à  t’arpenter à  pied  sur  des kilomètres,  sans jamais me lasser  de  tes  merveilles architecturales ni du reflet des bâtiments haussmanniens sur la Seine.  J’ai bravé  quelques-unes de tes côtes les plus pentues à vélo pour gagner des points sur ma carte Vélib’.  J’ai brunché à la parisienne, avec un jus vert aux légumes bio et un granola maison aux fruits  de saison. Et j’ai même  recommencé.  J’ai vu mes artistes préférés en concert et j’ai dansé  jusqu’au petit matin sur des dj sets explosifs. J’ai testé un nombre indécent de bouis-bouis et de restaurants en vogue. J’ai fait la queue devant les cantines japonaises du quartier de Sainte Anne pour un bol de ramen et quelques gyozas. J’ai affronté la pluie d’à peu près toutes les  manières : en l’accueillant, en courant, en râlant, en pleurant. Puis j’ai fini par acheter un K-Way.  J’ai  perdu  patience  dans  le  métro  bondé.  J’ai  haï  tes  macro  loyers  pour  tes  micro  logements. J’ai tantôt défié, tantôt baissé le regard face à celui des hommes ingrats. J’ai pris  ta beauté de plein fouet un nombre incalculable de fois tout comme j’ai reçu en plein cœur la  violence de tes inégalités. Paris, tu m’as fait vibrer mais aujourd’hui, je te quitte. Mon besoin  d’espace, de nature et de tranquillité est plus fort que tous tes meilleurs restos et concerts réunis. L’avenir nous dira si je m’en vais pour toujours ou si je pars pour mieux revenir. En  attendant, je dédie cette newsletter aux initiatives et projets qui ont émergé de tes rues et  qui m’ont le plus marquée.

Acheter des fleurs locales et de saison chez Désirée café-fleurs
Saviez-vous  que  le  bilan  carbone  d’une  rose  achetée  chez  un  fleuriste  lambda  est  26  fois  supérieur à celui d’une banane antillaise* ? La raison est (malheureusement) simple : sur 10  roses achetées en France, 9 ont été cultivées à l’étranger et principalement en…Afrique et en  Amérique latine. Avant d’atterrir dans nos vases, elles parcourent des milliers de kilomètres  dans  des  compartiments  réfrigérés. Malgré  la  climatisation,  beaucoup  ne  résistent  pas  au  voyage et sont jetées avant même d’être distribuées dans le réseau de fleuristes. Cette triste  réalité  s’applique  pour  quasi  toutes  les  fleurs  que  nous  achetons  dans  le  commerce.  « Seulement  15%  des  fleurs  vendues  en  France  sont  cultivées  sur  le  territoire« ,  explique  Mathilde,  co-créatrice  de  Désirée,  boutique  parisienne  engagée  dans  la  culture  horticole  française sans pesticides. « Lorsqu’elles ne viennent pas du bout du monde, les fleurs arrivent  généralement de  Hollande.  C’est  moins  loin,  mais  les  dégâts  écologiques  sont  aussi  catastrophiques, si ce n’est pire : une rose kenyane a un bilan carbone moins élevé qu’une rose  hollandaise.  La  consommation  d’électricité  utilisée  pour  chauffer  les  serres  néerlandaises  impacte plus que le transport des fleurs d’Equateur ou du Mozambique à l’Europe ». Ajoutez à  cela une bonne dose de pesticides dans les cultures : pour obtenir un bouton de rose parfait,  les horticulteurs peuvent avoir la main lourde puisqu’aucune règlementation ne limite à ce  jour l’usage de produits chimiques dans cette filière.  Moralité, que l’on parle d’alimentation  ou de fleurs, le combat est le même. Pour choisir un bouquet, faites comme pour les fruits et  légumes. Respectez les saisons (non, les roses ne poussent pas naturellement toute l’année)  et  misez  sur  des  variétés  moins  connues,  mais  plus  locales.  Des  fleurs  comme  le  dahlia,  l’amarante, la reine marguerite ou encore le zinnia. Vous pouvez aussi privilégier les labels «  Fleurs de France »  (bien qu’il ne garantisse pas l’absence de pesticides) et bio  (même si ce  dernier n’est encore que très peu développé pour l’instant). Et attendre avec impatience le  futur label impulsé par Désirée pour des fleurs locales sans pesticides !
Désirée, 5 Rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris.
*Source :  étude  britannique  qui  analyse  l’impact  carbone  du  marché  des  fleurs  www.flowersfromthefarm.co.uk 

Choisir un restaurant labélisé « Écotable »
Notre alimentation, de l’agriculteur à l’assiette, est responsable de 36% des émissions de  gaz  à  effet  de  serre.  L’écosystème  de  la  restauration  a  son  rôle  à  jouer  dans  la  transition  écologique alimentaire. Et c’est tout l’enjeu d’Écotable. Ce label valorise les restaurateurs  responsables tout en  permettant au grand  public  de  les  identifier.  Concrètement,  tous  les  établissements estampillés « Écotable » accordent une attention renforcée à la qualité et à la  provenance des produits qu’ils cuisinent. Même chose pour les boissons. Ils  travaillent des  produits  de  saison,  recyclent leurs  déchets  organiques et  réduisent leur  consommation  de  plastique, au minimum. Certaines adresses labellisées vont même plus loin : elles se tournent  vers un fournisseur d’électricité verte pour alimenter les fourneaux ; installent une plonge à  récupération d’eau ; multiplient les recettes zéro-déchets ou sont socialement engagés. Lancé  il y a 2 ans, le label réunit aujourd’hui une centaine d’établissements dans toute la France, du  traiteur végétal au restaurant étoilé en passant par les cafés de villages.  

Soutenir les cris silencieux des « badasses de la rue »
Elles sont noires, blanches, arabes, asiatiques, indiennes. Elles ont 20, 30, 40 ans. La nuit, elles  arpentent les  rues à la  recherche  de murs où  « coller »  des messages  forts  dénonçant les  agressions sexuelles, les viols et les féminicides. « Mon corps ne t’appartiendra jamais », « Elle  le quitte, il la tue », « Quand tu me siffles dans la rue, ça n’est pas un compliment, c’est du  harcèlement », « L’amour  ne  fait  pas  de  bleus »,  « Mon  prénom  c’est  pas  salope »…  Ces  messages sont le reflet d’une réalité violente vécue par trop de femmes. En France, les études  estiment qu’au cours de sa vie, 1 femme sur 7* est agressée sexuellement. Ça représente plus  de 500 000 femmes. 1 femmes meurt tous les 2 jours sous les coups de son mari. Soit 146  femmes en 2019, contre 27 hommes par an. C’est beaucoup, non ?
Créé par l’activiste Marguerite Stern, le mouvement « badasses de la rue » a collé ses premiers  messages  dans  la  capitale  il  y  a  tout  juste  un  an.  À  l’époque,  il  y  avait  une  vingtaine  de colleuses. Aujourd’hui, il y en a plus de 3000 dans toute la France, des grandes villes aux petits  villages (Dom-Tom et Corse comprises). Le mouvement a même gagné les murs de l’Italie, de  l’Allemagne et de l’Argentine. « Depuis Me too, la parole des femmes se libère. Voir que l’on  n’est pas seule mais au contraire des millions à subir les mêmes violences à travers le monde,  ça renforce le sentiment de sororité. L’union fait la force. Elle crée un climat  plus propice à la parole », raconte une colleuse. Coller sur les murs des villes a quelque chose  de symbolique lorsqu’on évite de sortir dans telle ville, telle rue, habillée en jupe, en short, en  legging ou en robe parce qu’on craint les mots, les gestes et les regards de certains hommes. « C’est une manière de se réapproprier l’espace public », ajoutent des militantes. Et à ceux qui  s’insurgent au nom du vandalisme, elles rétorquent : « À toi qui décolle, les murs valent plus  que le combat contre ces agressions et meurtres ? ».
* Enquête Virage : Viols et agressions sexuelles en France – publiée sur le site www.egalite-femmes hommes.gouv.fr 

Partir à la conquête des Space invaders
En 1996, un petit personnage en mosaïque colorée était collé sur un mur près de Bastille, au  milieu des panneaux publicitaires et des tags. Le tout premier « Space Invader », créé par le  street-artiste  français  Invader.  C’était  il  y  a  24  ans.  Aujourd’hui,  1446  petits  caractères  pixélisés, inspirées du jeu vidéo japonais « Space Invaders » sorti dans les années 70, habillent  les murs, les trottoirs et les ponts de la capitale. Auto-proclamé « hacker de l’espace public »,  Invader répand désormais ses « virus numériques » bien au-delà de Paris. Au total, il a collé  3954  Space  Invader  à  travers  79  villes  du  monde,  de  Marseille  à  Istanbul  en  passant  par  Londres,  Hong-Kong  ou  encore  Los-Angeles.  Même  les  fonds  marins  et  la  station  spatiale  internationale  ont  servi  de  support  à  ses mosaïques  !  À  Paris  comme  ailleurs,  repérer  ces  avatars pixélisés est devenu un jeu pour une centaine de milliers de fans. Grâce à  l’application Flash Invaders, ils peuvent « flasher » les œuvres de l’artiste, gagner des points  et tenter de créer la bibliothèque d’images la plus fournie au monde ! 

Dates clés 

Féminisme : des siècles de militantisme résumés en quelques dates 
1791 : Olympe de Gouge rédigeait les Droits de la femme et de la citoyenne, texte juridique écrit sur  le modèle des Droits de l’homme et du citoyen pour défendre la liberté et l’égalité entre les hommes  et les femmes. Elle est guillotinée deux ans plus tard pour ses écrits dénonciateurs.  1938 : les femmes françaises sont autorisées à aller à l’université, à avoir une carte d’identité ou un  passeport sans l’autorisation de leur mari.  

1944 : les femmes françaises acquièrent le droit de vote après des années de militantisme tandis qu’en  Australie, les femmes ont droit de voter depuis 1901. En Finlande, depuis 1906. En Allemagne, depuis  1918. Au Royaume-Uni, depuis 1928. En Espagne, depuis 1931 et au Brésil, depuis 1932.    1965 : les femmes françaises ont le droit d’ouvrir un compte en banque et de travailler pour elles, sans  l’autorisation de leur mari (oui, 1965. Vous avez bien lu). Légalement, avant cette date, le salaire d’une  femme qui travaillait revenait à son mari.  

1972 : Polytechnique et HEC deviennent mixtes mais ce n’est qu’en 1975 que tout enseignement ou  spécialité de l’enseignement supérieur est accessible pour les garçons comme pour les filles. 2019 : une journaliste – munie de son billet et de son accréditation – se voit refuser l’entrée du festival  de Cannes parce qu’elle porte des chaussures plates et non des  talons hauts  (vidéo disponible ici : https://madame.lefigaro.fr/style/la-journaliste-americaine-claudia-eller-refoulee-a-l-entree-du festival-de-cannes-200519-165200). Preuve que le chemin est encore long ! 

Évolution des loyers parisiens
Pour la petite histoire, en 2009, un parisien payait en moyenne 962€ pour un appartement de 50 m2.  En  2014,  pour  la  même  surface,  il  payait  1126€.  En  2017,  1137€.  Et  en  2019,  1165  €.  Soit  une  augmentation de +21% en 10 ans.
Chiffres disponibles sur www.observatoires-des-loyers.org 

Densité de la population parisienne
L’agglomération parisienne  (Paris + départements d’Île-de-France) compte près de 20700 hab/km2.  C’est plus que le grand New York (6708 hab/km2) ; que le territoire de Dehli en Inde (11515 hab/km2)  et que Tokyo (13500 hab/km2).  

« Il y a un temps pour tout », disait ma grand-mère lorsque je décidais de changer de sport, d’études ou de coupe de cheveux. À cette époque, je multipliais les allers-retours banlieue – gare du Nord avec des paillettes plein les yeux. Paris m’appelait. Ses restos, ses musées, ses monuments, ses cafés, ses bars, ses évènements en pagaille… Tout ça allait me nourrir. Et il le fallait. Parce qu’au fin fond du 95, je me perdais.